Avant de m'assagir, avant de jeter l'encre, de ménager mon cœur et de couver ma santé,avant de raconter mes souvenirs à l'encre, de vouloir sans pouvoir et de compter mes noriers,avant cette saison, avant cette retraite, je veux sauter les ponts, les murs et les hauts-bords,je veux briser les rangs, les cadres et les fenêtres, je veux mourir ma vie et non vivre ma mort.Je veux vivre en mon temps, saboter des coutumes, piller des conventions, sabrer des règlements,avant ce coup de vieux, avant ce mauvais rhume qui tuera mes envies et mes trente-deux dents.Et si je le pouvais, je ferais mieux encore, je me dédoublerais pour vivre comme il faut,le jour pour ce qu'il est, la vie pour ce qu'elle vaut, ça c'est mourir sa vie et non vivre sa mort.Je ne veux rien savoir, je ne veux rien comprendre, je veux recommencer, je veux voir, je veux prendre,il sera toujours temps et jamais assez tard d'accrocher ses patins et d'éteindre son regard.Je ne veux pas survivre, je ne veux pas subir, je veux prendre mon temps, me trouver, m'affranchir,me tromper de bateau, de pays ou de port, et bien mourir ma vie et non vivre ma mort.Mais au premier détour, à la première peine, je me mets à gémir, à pleurer sur mon sort,à penser à plus tard, à calculer mes scènes, et à vivre ma vie et à vivre ma mort.Je cherche votre cou, je vous prends par la taille, on se fait si petit, petit, quand on a peur,je ne suis plus géant, je ne suis plus canaille, je couvre ma santé et je ménage mon cœur.Et puis, et puis je me reprends, et puis je me répète qu'avant cette saison, avant cette retraite,il faut sauter les ponts, les murs et les rebords, il faut mourir sa vie et non vivre sa mort.Et pendant ces temps-là, le printemps se désivre, le jour fait ses journées, la nuit fait s'éveiller,c'est à recommencer que l'on apprend à vivre.Que ce soit vrai ou pas, moi, j'y crois.Moi aussi.Sous-titrage Société Radio-Canada